Chacun saute du lit comme il peut ou selon sa nature. Les plus toniques bondissent au quart de tour au chant du coq, voire le devance, l’œil vif, le pied léger et l’érection au zénith. A l’inverse, les plus allergiques rampent en grognant tout en semant quelques flatulences, plus ou moins sonores, plus ou moins odoriférantes, jusqu’à la cafetière, longtemps après que les piles du réveil aient rendu les armes. Entre les joyeux et les revêches, les pressés et les zombies, les hâtifs et les tardifs, il y a les Sizif. Ceux qui se lèvent en fonction du soleil, du temps et surtout de leur humeur du jour comme de la teneur de leurs songes nocturnes. Pour tous cependant, la descente du lit s’avère être une forme sophistiquée de sport de combat, à tout le moins une bataille d’oreillers entre soi et soi, entre le corps et l’esprit, entre désir et nécessité, entre rêve et réalité. Rêver sa vie ou vivre ses rêves, éternel dilemme, dont la source se situe entre somme et veille, dans ce mouvement alchimique qui va de l’horizontale à la verticale.
« Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt », vous affirmeront les ambitieux, les hyperactifs caféïnomanes, auxquels les désinvoltes lascifs, les couettophiles, ne manqueront pas de répondre en baillant « le monde appartient à ceux qui font lever les autres tôt ».
En hiver, Sizif a tendance à mimer la marmotte et sentir l’ours lorsqu’aux beaux jours, il brame plus volontiers tel un cerf en rut.
Oui, Sizif a l’éveil festif en saison estivale.*
Cependant, le plus souvent, il a tout de même besoin d’un sas de décompression. Tout ce qui sera prononcé dans un délai évalué à trente minutes minimum après l’ouverture de ses paupières restera lettres mortes, paroles évaporées avec la rosée de ses pensées, noyées dans la brume antédiluvienne de son cerveau reptilien. Sa garde rapprochée le sait à défaut de toujours respecter ce périmètre de sécurité, cette latence indispensable pour lui permettre de s’extirper de la langueur de ses rêves afin d’accueillir la journée qui s’annonce dans de bonnes dispositions…
Ce processus obéit par ailleurs à un rituel sous forme de tétralogie aléatoire : Café, pisser, tartiner, café.
A chaque étape, sa conscience remonte à la surface pour lui remettre les idées à flots. Elle lui murmure qu’un nouveau jour n’est pas une obligation, celle de remplir ses devoirs, ni même de survivre, mais bien plutôt une opportunité, celle de le prendre à bras le corps, de l’étreindre jusqu’à en extraire la moindre goutte de vie.
Après tout, ce jour pourrait être son dernier ou bien le premier d’une nouvelle existence. Dans les deux cas, mieux vaut s’en réjouir que de le subir. Il aura toujours le loisir d’être éventuellement déçu par la suite et de se mordre les doigts d’avoir sauté du lit.
Oui, Sizif révise le lexique de la literie.*
Le saut du lit lui parait inéluctable. Puisqu’il faut bien se lever, ne serait ce que pour pouvoir se recoucher. Non seulement inéluctable mais surtout miraculeux, car nombre d’êtres humains n’ont pas l’opportunité de s’interroger sur leurs habitudes de réveil. Ils ne se lèvent pas vraiment car ils n’ont pas le moindre matelas pour se coucher. On ne s’allonge pas sous une porte cochère, on ne s’étend pas sur un banc, sur une bouche de métro, dans des décombres d’une ville en ruine : on se recroqueville.
Quant à son coucher, je vous en parlerai une autre fois, puisqu’il vient de se lever. Son rocher l’attend au pied de sa colline, les touristes également.
Un baiser, mon bousier, va bosser. Souffle Suzon à Sizif.*
C’est le surnom affectueux que sa femme lui donne en soupirant dans l’intimité, sur l’oreiller, quant elle est encore collée contre lui sous les draps. Elle s’est d’ailleurs faite tatouer un de ces coléoptères au bas du dos pour célébrer leur noces de porcelaine. Cet insecte héroïque, inlassable, figure sacrée de l’ancienne Egypte et emblème de son homme.
Il est ainsi, Sizif.
« Il faut imaginer Sisyphe heureux » Albert Camus
Sauf quand on le réveille en sursaut… rectifie Suzon.
* Excellents exercices de diction, à prononcer à voix haute, une fois bien réveillé.
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Sizif ne doit pas être ravi du rapprochement avec le bousier 🙂
En tout cas, contente de voir apparaître sa compagne dans ses aventures, je finissais par croire qu’il était célibataire.
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J’évoquais sa femme dans un épisode précédent, mais brièvement. Il a même trois enfants (j’en évoque un dans le premier, mais pas encore les autres). Pour le bousier, c’est un surnom affectueux, entre eux, comme un jeu, une provocation. Rien de péjoratif dans sa bouche, elle en a même un tatoué, c’est dire qu’elle y tient, à son Sizif.
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J’ai aimé ma lecture. Beaucoup d’humour. On ne s’en lasse pas.
Merci d’être venu visiter mon blog.
Amitiés
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Bienvenue sur le mien, merci et à bientôt.
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Cette série est très attachante. La vie quotidienne me parait palpitante maintenant. Et Quelle bonne idée d’avoir pensé à « Un jour sans fin », ce film si intelligent, si drôle, si terrifiant aussi, comme un supplice de … Sizif. Bien vu ! Bien dit ! Vivement la suite !
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Oui, c’est un grand film et une prouesse scénaristique. Merci Jérôme !
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Incisif l’hun (?) Sizif …
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Abrasif aussi, parfois.
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Imaginons-le heureux !
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N’est-ce pas ? En tous cas, merci de le suivre, Sylvie
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oui, oui, oui…
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Sizif cafète donc avant de pisser, j’admire, la vessie de Sizif est assez sidérante. Je trouve le gif absolument remarquable, il suffit de remplacer le scarabée par Sizif, ce qui se roule fort bien, et ainsi de voir notre héros au labeur. Merci au biographe de Sizif.
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Une vessie à la hauteur du mythe… car impossible d’aller se soulager lorsque l’on pousse un rocher jusqu’au sommet ! Merci pour le gif et pour suivre ses aventures, ‘vy !
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Merci pour cette nouvelle incursion dans la vie de ce cher Sizif. Vite sur le piton * ou pas, je ne suis aucunement surprise de lire qu’une fois les idées à flot, il est plutôt du genre à embrasser la vie. Car malgré ses revers on ne peut plus attendrissants, et de probables laisser-aller matinaux sans doute moins heureux pour sa compagne, Sizif m’a toujours eu l’air d’une personne intelligente et sensée.
Ayez la gentillesse, si vous le voyez, de dire à Sizif qu’en ce qui me concerne, la vie m’a, je dirais, dotée d’un assez bon démarreur… (j’saurais pas où le commander, par contre)… alors, à moins d’une chaude raison de rester au lit, c’est toujours hop, et dans l’ordre… pipi, verre d’eau, douche, petit-déjeuner, café… café…
* être vite sur le piton [Québec] [Familier] Être prompt.
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Merci pour ce petit bréviaire québécois ! J’adore cette expression. Je transmettrai à Sizif quant à votre démarreur… Mais vous pouvez le faire vous même sur Facebook (à moins que vous n’ayez pas de profil, ce que je comprendrai fort bien, j’ai moi même renâclé longtemps avant d’en créer un, en grande partie pour ce blog. Quoi qu’il en soit, merci pour le soutenir avec fidélité ! Ça nous fait chaud au cœur à tous deux.
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J’ai longtemps fait partie d’un groupe de discussion et nous utilisions l’expression « nerveux sur le piton », cette expression existe-t-elle aussi ou n’était-ce qu’un dérivé d' »être vite sur le piton » ? Pour la petite histoire, je suis comme toi Caroline, pourvu d’un bon démarreur… sauf que la première chose que je fais, c’est mettre l’ordinateur en marche… ensuite seulement le corps réclame sa part de fonction vitale.
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Irrésistible Louis de Murray! Un couzin de Sizif, je suppose.
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Eloigné, très éloigné tout de même, le cousin. Mais il y a un air de ressemblance, je trouve… Merci Henriette !
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Excellent texte Francis où je retrouve toute la faune des réveillophobes et des lunatiques du petit matin. je ne dirai pas à quelle catégorie j’appartiens mais Sizif est finalement le moins pire.
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Le saut du lit est un exercice délicat, n’est-ce pas ? Merci Dominique !
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… de belles images d’un réveil » tonique » !! 🙂 Pour Sizif , par contre , les choses sont un peu plus variables … 🙂
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Merci Walter. Se lever du bon pied, oui, mais lequel ?
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..que je comprends sizif, moi, qui presque chaque jour, commence ma journée sur l’épaule de celui qui dort à côté de moi, puis sous le pinceau de mon café, me disant que j’ai tant de chance de pouvoir le vivre ainsi, le réveil..
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On apprécie jamais assez les petits privilèges de nos vies à leur juste valeur. Merci Irène.
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Je cherchais un terme commençant par « Zif », pour faire un jeu de mot. Mais il n’y en existe point
En revanche, je suis tombée – du lit – en lisant ceci : IFTAR n.m. Pendant le ramadan, premier repas pris après le coucher du Soleil.
Donc si z’Iftar, c’est qu’il n’est pas prêt de se coucher !
Bon. C’est pas terrible 😦
Merci pour cette chronique joliment tournée qui n’oublie pas ceux qui « se recroquevillent ».
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Ah si Martine, il n’est pas mal du tout, ce z’iftar… Ne serait ce que pour la démarche de l’avoir cherché ! Merci.
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Il est l’or, l’or de… même comme ça, il ne bouge pas le Sizif ? c’est que Sizif a des valeurs qui attendront l’heure ! Et comme il a raison, Sizif, he, Sizif. Ca y est, il s’est rendormi !
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C’est un gros dormeur, certes, mais il a aussi un métier exténuant… Merci Anne pour lui rendre visite !
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Sizif nous es conté, entre deux sommes, ne se déperdant d’aucune valeur, il ronfle comme moteur qui booste…longue vie à Sizif !
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Grand merci pour vos mots d’oisobleu chaleureux !
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