Dialogue du 3eme type

fastgod
œuvre exposée à la FIAC 2015 PARIS.

– A quoi tu penses ?

– Moi ? Oh à rien.

– A rien ? Toi ? T’as pas l’air de penser à rien. M’étonnerait que tu penses vraiment à rien, c’est pas ton genre. On pense jamais à rien, même moi. C’est pas possible de penser à rien.

– Si. En tous cas, j’essaie. C’est parce que je viens de penser à un truc.

– Ah, tu vois.

– Non, avant. J’y ai pensé avant de penser à rien. Un truc déprimant.

– Ah ouai ?

– Ouai. C’est même pour ça que j’essaie de plus penser.

– Un truc vraiment monstrueux alors…

– Quand on y pense, ouai.

– Et alors c’est quoi, dis moi…

– Ben ça m’est venu comme ça. Et ça repart plus. Un truc du genre « putain, pourquoi j’y ai pas pensé plus tôt. » Tu vois ?

– Ouai.

– Non, tu vois pas, c’est clair. Ce genre d’idées, on l’a qu’une fois tous les cinq mille ans. Une illumination. Une révélation.

– Ouaou. Un truc de dingues quoi.

– Peut être que si je te la disais, ça m’aiderait à ne plus y penser.

– Vas-y toujours.

– Je ne sais pas… Je me demande si t’es prêt, si t’es pas trop jeune, ça risque de te traumatiser.

– Arrête papa, j’ai quand même plus mille ans.

– … l’homme est un con qui pense, mon fils.

Je pense donc je suis con,FP
Ce GIF est une spéciale dédicace à mon fils, qui adore ces deux personnages)

– … l’homme est un con qui pense… l’homme est un con qui pense… t’es sur ?

– Certain. Hélas.

– Ok parce que… Non je suis en train de me dire : soit tu penses, soit t’es con, mais…

– Attends, réfléchis avant. Si tu penses pas, tu peux pas être con. Hein ? Si tu penses pas.

– Ben si…

– Ben non. Pour être con, faut d’abord penser. un minimum. Regarde, prends une étoile. Elle est pas conne. On dira jamais d’une étoile, d’un rocher, ou de n’importe quelle création de l’univers qu’elle est con. Un objet peut être « à la con », à la rigueur. On peut dire une table à la con, même un putain de siège à la con,ce qui veut dire qu’il a été conçu ou fabriqué par un con, mais pas qu’il est con par essence, intrinsèquement.

– Intrinsèquement… ouai, d’accord. si tu veux.

– Même les animaux, une girafe ne sera jamais conne, tu saisis ? Comme un poisson ou un oiseau, même une poule ou un vers de terre, y en a pas un de con. Ils sont pas forcément des gros cerveaux, mais ce sont pas des cons non plus. A la rigueur la buse, et encore, uniquement quand elles se réunissent à trois minimum.

– ah ah… Et le chien, hein ? Le chien. Si, y en a des bien cons tout de même. Rapporte, va chercher, couché, donne la papatte.

– Bon, d’accord. Y a des chiens cons, c’est vrai.

– Tu vois, ça marche pas.

– Si. Si parce que… comme par hasard, c’est le meilleur ami de l’homme. Le seul même.

– oh toi, tu veux toujours avoir raison.

– L’homme est un con qui pense, mon fils. Y a aucun doute. La pensée précède la connerie. De peu, de très peu. des petite pensées pour des grosses conneries mais tout de même. Ce n’est pas parce qu’il pense qu’il est con, mais ça aggrave son cas. Il n’a aucune excuse.

– … Sauf que. Il pourrait penser sans être con.

– C’est bien ça le pire. Si encore il était con sans penser, ce serait pardonnable. Et s’il pensait sans être con, là ce serait formidable. C’est l’association des deux qui est terrible. Il est con ET il pense.

– Merde. Qu’est-ce qu’on peut y faire ?

– Arrêter d’y penser. Ça fout trop les boules. On leur a donné la vie et regarde ce qu’ils en font.

Capture d’écran 2016-01-02 à 21.10.07

 

Publié par

Francis Palluau

Scénariste, auteur, réalisateur, professeur, consultant touriste sédentaire.

62 réflexions au sujet de “Dialogue du 3eme type”

  1. Tu connais « Rencontre du 3ème sale type »?, une BD de Cabanes qui m’avait bien faire rire à l’époque… Un troubadour moyenâgeux, un chevalier qui puait des mains, un gros veuf bouliste qui se promenait avec les chaussures de mariée de sa femme, un mélange d’époques, bien délirant!

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  2. Bravo Francis pour ce dialogue philosophique, du genre que l’on peut avoir avec soi-même. Je me dis que les animaux pensent, c’est à dire ont une vie mentale, mais ne sont pas cons pour autant. J’aimerais bien savoir comment un oiseau perçoit un homme, par exemple. Comment son intelligence particulière fonctionne et quelles différences il y a avec la notre. De quoi susciter un dialogue du quatrième type !

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  3. Je pressens une cons-piration contre le genre humain !! mais le propre de l’humain est le rire, non? pas la pensée, donc rions de nos conneries comme Sean. merci Francis pour ces réflexions jubilatoires.

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  4. J’aime bien ce dialogue qui nous mène en bateau avant de nous révéler son message.
    Comme vous le dites si bien, si seulement il lui suffisait d’être con. Parce que quand il pense, c’est soit à son ventre, soit à son bas ventre. Charef.

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      1. Cela va de soi Francis. L’homme tire sa subsistance de la terre pour procréer et se multiplier. Comme l’exprime si bien ton illustration, l’homme est con parce que crucifié il s’est fait bâillonné par des cons qui pensent, certainement.

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  5. J’aime beaucoup la conclusion, même si ça m’amène à penser que ceux qui sont cons pour nous ne le sont probablement pas pour d’autres personnes (voire eux-mêmes)… Inversement, nous ne nous pensons pas cons, mais sommes forcément considérés comme tels par d’autres. La planète serait donc entièrement recouverte de cons ? Mais si on est tous cons, finalement, plus personne ne l’est, non ?

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  6. Bravo! Drôle et plein de sens! Voilà des pensées sur la connerie qui vont révolutionner les définitions de « con » et de « penser’!
    Merci beaucoup, parce que comme aujourd’hui (référence à une comptine de petite section de maternelle) c’est « lundi tout gris », ce dialogue a mis de l’humour (et de la philosophie, aussi, ne l’oublions pas!) dans ma journée!
    Et j’aime le hamburger crucifié!

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  7. C’est une belle méditation pour un lundi!
    Dans le peuple des girafes, il y en a certaines qui doivent penser que certaines autres sont connes! On est pas les seuls à penser dans ce monde, par contre on est peut-être les seuls à se croire plus intelligents que la faune ou la flore… ! Belle journée

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  8. « La pensée précède la connerie. De peu, de très peu. des petite pensées pour des grosses conneries mais tout de même. Ce n’est pas parce qu’il pense qu’il est con, mais ça aggrave son cas. Il n’a aucune excuse. »
    Ah mais c’est trop facile de dire ça. Parce que, messieurs les créateurs, on pourrait se demander quel est le con qui a donné à l’homme la possibilité de penser ? On peut se demander si c’était volontaire, ou s’il s’agissait d’une erreur. On pourrait penser que tout est à refaire, mais ce serait un peu con de vous le suggérer, et puis l’homme s’en chargera bien de lui-même.
    En tout cas, je ne regrette pas que certains pensent, tu m’as explosé un rire sur le visage, je ne m’attendais vraiment pas à « l’homme est un con qui pense, mon fils », et ça c’est bon pour commencer la journée, le rire de qualité ça rend un peu moins con, je pense. Mais ça c’est le propre de l’homme, pas le propre des dieux, même s’ils sont à notre image.

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      1. On ne va pas trop penser à tout ça… je reviens sur les images, le gif en particulier. C’est qui ces deux personnages ? En tout cas, ils sont très drôles à gigoter dans un monde figé. Après ton texte, ça ouvre sur une autre dimension.

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          1. Tigrou, il m’avait semblé le reconnaitre, mais il est caché par Cookie monster, que je ne connaissais pas. Je l’ai bien regardé et je l’aime bien ce gif, va savoir pourquoi, il me raconte une histoire, il propose davantage que ce qu’on pourrait croire à première vue (enffin ça n’engage que moi) peut-être pour la fraicheur qu’il dégage et comme je t’ai dit, par rapport au reste (foule ffigée, texte). Peut-être que je le ressens un peu comme une antidote à la connerie qu’on porte tous en soi… J’espère que personne ne lira ça, on va me trouver un peu zarbi. En tout cas, à moi, il m’aura fait du bien ton article. Une pause…

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            1. Merci ‘vy, j’ai pris cette photo pour mon fils il y a cinq ou six ans, durant un bref séjour à Los Angeles, dès que je les ai vus dans la rue devant les étoiles de star, j’ai pensé à lui. Et pour illustrer ce dialogue, je me suis dit que ce serait à la fois léger et approprié.

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