Sizif se déshabille

Nouvelle aventure tout à fait ordinaire d’un homme tout à fait banal.

Ne précipitons rien… Surtout sur un sujet si intime. En dépit de la Une de cette chronique, dont la vile ambition est d’instiller la lubricité dans les esprits pour provoquer une audience érectile, Sizif ne se montre pas dans le plus simple appareil sans préambule. Par ailleurs, le concept du striptease consiste à repousser l’échéance de la nudité jusqu’à son paroxysme. Une fois le dernier bout de tissu envolé, le rideau tombe quand les thermomètres de chair sont sur le point d’exploser. Le point culminant ne se situe donc pas au delà mais en deça de cet instant fatidique, à l’ultime fraction de seconde de ce dévoilement progressif.

20160207_143447Chaque chose en son temps : Avant d’enlever ses vêtements, il faut les avoir mis. Comme tout le monde, légende ou pas, Sizif enfile un slip avant de le faire tomber. Or, s’habiller demande un temps de réflexion, plus ou moins long, plus ou moins délicat, qui peut aller jusqu’à l’angoisse obsessionnelle en fonction de notre souci des apparences, de notre découvert bancaire, de notre degré de perfectionnisme comme de nos mensurations. Prenons un papou de Nouvelle-Guinée par exemple. Le papou commun passera beaucoup moins de temps en moyenne à enfiler son étui pénien qu’une égérie de la mode à choisir son string dans la jungle new-yorkaise. Une naïade avoisinant les deux mètres au garrot et franchissant le quintal sur la balance aura nettement plus de difficultés à trouver le maillot de bain qui va bien qu’un haltérophile du même acabit son justaucorps…

Mais je diverge -je le dis seulement- n’attendez rien d’autre d’obscène de ma part sur cette pente savonneuse. Car l’habillage n’entre pas dans mon propos du jour, le titre indique clairement mes intentions opposées. Nos attitudes vestimentaires, et celle de Sizif en particulier, feront sans doute l’objet d’une prochaine chronique, tant il y a à décrypter dans cette action familière, sans doute la moins anodine de toutes.

En revanche, se dénuder parait à la fois plus simple et plus immédiat dans la plupart des cas. Cela nivelle aussi les différences et les inégalités, tout en nécessitant une moindre implication mentale. Nul besoin de réfléchir longuement ou d’hésiter sur la démarche à suivre pour se mettre à poil en règle générale. Comme il serait tout autant superflu d’étudier longuement les us et coutumes, la symbolique des peuples et de leurs traditions pour savoir comment s’y prendre n’importe ou. Que l’on ait la garde-robe pléthorique du jet setteur patenté occidental ou l’unique robe de bure de l’ermite extatique en plein désert, le déroulement et le résultat s’avèrent universels. Il s’agit de tout enlever.

Gilda en feu
Gilda en feu, un film de Jean-Jacques Vidor.

Chez Sizif, l’effeuillage lascif laisse à désirer.

Quitte à vous décevoir, il pratique plutôt l’élagage massif quand il s’agit de se séparer de ses fringues. Il enlève tout dans le désordre. Sizif se dessape sans tergiverser ni la moindre équivoque. A deux reprises les weekends et trois les jours ouvrables. La première au matin pour quitter son pyjama, la seconde dans son vestiaire sur son lieu de travail à Olympia Land pour revêtir ses oripeaux mythologiques made in China, la dernière juste avant de plonger sous les draps. Sa nudité reste pour lui presque accidentelle, fortuite, inévitable, toujours brève. Simple nécessité entre deux vêtements, ou sous la douche comme dans un précédent épisode. Son corps ne vit à l’air libre que par effraction, en fugitif, non par honte ou pudeur mais par simple indifférence. Au contraire de sa femme. Suzon n’aime rien tant qu’à se balader cul et seins effrontés ostensiblement offert à sa vue dans leur appartement, et par delà leurs fenêtres sans rideau, aux regards des passants, au risque de provoquer un attroupement, des hurlements de loups en rut ou un accident de la circulation.

Certes, il existe des variantes et des fréquences dans le déshabillage, des particularités selon notre tempérament et la situation mais moins flagrantes que dans le fait de se vêtir. On peut se dénuder seul ou en groupe, chez soi, dans un vestiaire suintant d’hormones après l’effort ou dans une alcôve diffusant la luxure avant une partouze. On peut pratiquer une à plusieurs fois par jour, selon nos activités ou nos caprices vestimentaires. On peut commencer par le bas ou par le haut, plier soigneusement ses vêtements ou les éparpiller, voire les arracher quand ils sont en feu ou que l’on brule de désir, mais le rituel s’avère assez succinct. Hormis deux exceptions tout de même.

Les personnes qui ne peuvent se déshabiller sans aide tout d’abord, parce qu’elles sont malades, vieilles ou handicapées. Retirer leurs habits s’apparente alors à une démarche sociale ou un acte d’amour. Ce peut être l’occasion d’un signe de compassion, voire de dévouement, de gestes plus tendres, attentionnés, paradoxalement parmi les plus pudiques. La nudité dans ces cas extrêmes auxquels nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre décuple le dénuement moral. Quand le corps vaincu s’abandonne par impuissance aux bons soins des autres, l’esprit se dépouille de sa fierté.

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Chose promise, chose due : Sizif à poils

Enfin, nous y voilà. Ouf, enfin. Si, si, ne soyez pas hypocrites, vous l’attendiez depuis le début. Il y a le spectacle licencieux, en privé ou en public. La fesse qui s’affranchit du cuir, le téton qui tâtonne dans le balconnet, le torse viril qui se libère de la chemise bouton par bouton sous les encouragements haletants, le membre éminent qui s’étire dans son cocon de coton jusqu’à le faire céder aux suppliques. Le striptease détourne, avec un bonheur aléatoire, audace, fantaisie, maladresse ou même vulgarité, le rituel routinier pour mieux célébrer ce que recèle le quotidien de désirable. Il fait office de prélude et de fin en soie…

En tenue d’Adam ou de ville, il est ainsi, Sizif.
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« Il faut imaginer Sisyphe heureux » Albert Camus
Et sa femme l’est aussi, quand ses appâts sans apprêt hameçonne son regard ou sa main leste, tout en faisant mine de s’offusquer.

Sizif bureau
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Vous pouvez également retrouver Sizif sur sa page Facebook pour en découvrir plus sur lui, échanger, commenter, partager, liker… tout nu ou habillé, en cliquant sur le lien ci-dessous :

Sizif au jour le jour.

Publié par

Francis Palluau

Scénariste, auteur, réalisateur, professeur, consultant touriste sédentaire.

51 réflexions au sujet de “Sizif se déshabille”

  1. Hâte de lire les prochaines aventures de Sizif qui se déshabille et de la fesse qui s’affranchit 🙂
    J’en profite aussi pour t’inviter à découvrir mon site « Révélez votre élégance » :
    revelezvotreelegance.com et à t’inscrire sur le site ou ici pour bénéficier de conseils et cadeaux.
    Avec respect, Yveline.

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  2. Cher Francis,

    Diverge tant que tu veux – et je le dis seulement – diverge, dis-je… mais continue de nous servir ces petites incursions dans les us et coutumes de cet homme tout ordinaire. Ce cher Sizif ouvre certainement la porte à des rassemblements d’âme qui font chaud au cœur et au corps. Et c’est moi – et pas Charlotte – qui te le dis.

    NOTA BENE – Pour la suite de cette lettre, je te prie d’en excuser les débordements. C’est qu’ils ne viennent pas de moi, mais de Charlotte. Et quand Charlotte insiste, je n’ai d’autre choix que d’obtempérer. Si tu la connaissais, tu comprendrais. Madame dit de tes textes qu’ils sont humainement chargés, et que lorsqu’ils déclenchent chez elle une vague déferlante, elle se laisse emporter, ne voyant pas pourquoi elle devrait résister. Bref, t’auras compris donc que le déferlement qui suit n’est pas ma faute, mais celle de Charlotte.

    Allons-y donc pour le message de Charlotte…

    Cette chère Charlotte m’a d’abord demandé de te dire qu’elle adore l’idée voulant qu’une nudité puisse être accidentelle… Elle a précisé que la sienne ne l’est absolument jamais, sauf lorsque le drap glisse sur son corps, coupable d’être ô tellement soyeux, et cela, hiver comme été. Et je ne parle pas du drap, a-t-elle ajouté.

    Mais Charlotte a surtout voulu mettre Suzon en garde contre les pratiques nudiesques à rideaux ouverts. L’une de ses amies s’est retrouvée sur le web à son insu, sautillant flambant nue dans sa cuisine. La vidéo se termine sur ses pieds qui dépassent de la salle de bain et ses orteils qui grouillent tandis qu’elle lit le journal. La dame en question a fait faire des analyses d’angles de prises de vue, espérant pouvoir poursuivre le voisin coupable… pour finalement découvrir que le film avait été tourné de la ruelle… Bref, selon Charlotte, Suzon devrait se méfier non seulement des mammifères enhardis ou des possibles collisions mettant en cause des pèlerins distraits, mais aussi des petites gens sans scrupules, capables de vous exposer complètement nue sans s’exposer au moindre risque. Mais le plus triste dans cette histoire c’est que depuis ladite exposition, l’amie de Charlotte ne déambule plus dans sa maison que vêtue de son habit de plongée sous-marine. Hiver comme été. Et les mauvais jours, elle va même jusqu’à mettre son casque de bain. Je vous épargne les détails, m’a dit Charlotte.

    Oh, et puis sur une note plus solennelle… Charlotte voulait aussi que je te dise qu’elle espère bien que le sien d’esprit sera déjà dépouillé de sa fierté quand le temps sera venu pour elle de devoir s’abandonner aux bons soins des autres… Elle dit même s’exercer déjà à la chose en s’étalant parfois de tout son long sur le trottoir, laissant ambulanciers, bons samaritains, et tendres mains, la dépouiller de quelques vêtements… avant de reprendre connaissance. Car tu ne la connais que peu encore, mais il faut savoir qu’elle peut être vlimeuse, oui oui, très vlimeuse, la Charlotte…

    Bon, je dois te laisser. Charlotte m’appelle. Elle vient de glisser sur sa peau de pied. Qui est, je peux en témoigner, tout aussi soyeuse que le reste de sa nudité.

    Que le désir soit avec toi et Suzon, Francis.
    Au plaisir, Caroline

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    1. Sizif sera enchanté d’avoir des nouvelles de Charlotte, et moi je le suis de lire une longue et belle lettre enjouée. Il faudra que tu me traduises le terme vlimeuse ! Il faudra un jour que nous les fassions discuter ensemble, Charlotte et Sizif. Ils ont beaucoup à se dire, me semble-t-il ! Pour Suzon, Sizif la gronde suffisamment mais elle ne déteste pas être grondée, donc elle le provoque je crois. Encore merci Caroline pour ta fantaisie et tes encouragements qui réchauffent !

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      1. Oui, le mot vlimeuse, bien sûr. Un mot qui fait plutôt partie de mon enfance… Personnellement, on m’aura assez souvent dit « ma p’tite vlimeuse, toi! »…

        Le mot « vlimeux » est employé tant comme adjectif que comme nom.
        Voilà pour son sens… ou plutôt, ses sens. Selon ce cher Antidote.

        [Québec] [Familier]
        ADJECTIF
        -Se dit d’un animal imprévisible. « Il faut faire attention au chien du voisin, il est pas mal vlimeux. »
        -Futé, rusé, hypocrite. « Un commerçant vlimeux. »
        -Espiègle, malicieux. « Des enfants trop vlimeux pour les laisser seuls. »
        NOM
        -Personne malicieuse, rusée. « Il faut faire attention à ce vendeur, c’est un vlimeux. »
        -Enfant espiègle, turbulent, effronté.

        Étymologie : De venimeux ; de l’ancien français venim, ‘venin’

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    2. Charlotte est plus bavarde que Caroline. Je constate. Et charlotte ne vient jamais sur mon blog, je suis jalouse. Ceci dit, cette histoire de combinaison de plongée pour déambuler dans une maison me fait fortement penser à un ami qui habitait (habite toujours je suppose si ses tongs ne se sont pas usées trop vite) la Floride. Ah oui, il aurait aimé le Maracuja.
      Et pour en ajouter sur la gêne du corps laissé aux bons soins de nos congénères, je vous dirai qu’après ce que Pomme a vécu à l’hôpital des gougnafiers, elle a perdu toute idée de pudeur et de propriété corporelle. Elle est du genre à dire, tenez ceci est mon corps, prenez et épépinez-le si ça vous chante, moi, j’m’en balance le trognon. Pomme aussi peut être vlimeuse, parait-il.

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      1. Grenadille ou pas, je pense que Charlotte, qui toujours et sans cesse cherche un alter ego, aurait tout intérêt à rencontrer Pomme… Peut-être en viendraient-elles à s’étendre ensemble, dans divers coins du monde, quelque part loin des gougnafiers.
        Il me vient aussi, au moment où j’écris, que Charlotte aurait bien des choses à apprendre de Pomme, et Pomme de Charlotte… Mais qu’en penserait Sizif…? Mieux vaut lui taire la chose, je ne suis pas certaine qu’il soit du genre vlimeux…

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        1. Pomme est en train de rire sous cape. Venir ici dégoter Caroline alors qu’Evelyne (moi, je crois) lui fait le coup du je-t’ignore-superbement sur son blog, non mais vraiment ça sent le coup vlimeux de la Charlotte à la Pomme. Crois-tu que Sizif n’y verra rien si on lui tait la « chose » ? Sûr qu’elles s’ entendraient la pomme et la charlotte, mais si c’est pour repandre un air vlimeux comme sur mon blog, je te dis tout de go que je vais n’en faire qu’une bouchée de la Pomme. Je ne sais même pas à l’heure où je te parle si c’est Pomme ou Evelyne qui s’ exprime sous la pression de mes doigts. Demain, dès mon réveil, j’aurais un peu plus les idées claires et je retournerai sur mon blog pour réparer mon omission. Là, je n’ose pas, non vraiment je n’ose pas.

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        2. Je reviens sur « grenadille », c’est un bien joli nom qui effémine un tantinet mais ça me plait. Pour en revenir à ta question, j’imagine mal Sizif vlimeux… mais peut-être Suzon ? Tu crois que Sizif nous la présenterait sa Suzon si on le prenait par la douce ?

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        3. Quand je dis « nous », je veux dire Charlotte et Pomme, bien sûr. (je ne sais pas si précédemment j’ai répondu à ton commentaire ou au mien… alors je précise qu’il y a un commentaire de ce matin 7h47 avant celui-ci en plus de celui de cette nuit)

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          1. Qu’est-ce qu’un Boeing vient faire dans cette histoire, dis-moi? Je crois que t’as pas assez dormi, ‘vy. Et ma sœur qui va se pointer d’une minute à l’autre, et elle arrive pas en avion, elle. Alors que ton vendredi, avec tout ce qu’il en reste, soit bon, doux, et remplis de fruits. De la passion.

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            1. Il a fallu que je me relise pour le dénicher ce Boeing, et là, j’ai éclaté de rire. Je t’adore, toi, tu sais. Je vais aller cueillir les fruits de la passion… Bonne cueillette de ton côté.

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                1. P.-S. Et voilà la soeur, la mienne, qui monte l’escalier. À pied. En passant, le ressenti est de -20 ce matin… Et il sera de -30 demain et après-demain. Montréal dans toute sa splendeur. Et elle sonne… et encore… oui, oui, j’arrive!

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                  1. Pomme te suggère d’emprunter le costume de parade de Sizif.
                    Tiens, regarde mon Paris, d’hier, le ciel y était si beau dans son crépuscule orageux : https://lebocalivre.wordpress.com/0216paris4507/ Tu le croiras pas, mais à regarder en l’air, je me suis égarée dans les petites rues, j’y ai rencontré le Petit Chaperon rouge…. Faudra que je te raconte, pas maintenant, y a les fruits qui poussent… Je te mets sur la voie, si je te dis comme pour toi la fille au minichat pour moi le Chaperon rouge, tu entrevois la puissance du coup de coeur auquel on n’échappe pas.

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  3. La belle Suzon fait de Sizif un chanceux. « Et sa femme l’est aussi, quand ses appâts sans apprêt hameçonne son regard ou sa main leste, tout en faisant mine de s’offusquer. » Qu’est-ce qui fait que les hommes ont toujours la main leste dans ces cas- là ?

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