Quel est cet ami revenu

capture-decran-2016-10-23-a-17-27-15Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Rutebœuf (1230-1285) (poème complet ici.)

Il y a peu d’amis qui passent le temps, qui font mieux que résister à l’érosion du vent pour se bonifier au fil des ans. Luc est de ceux là. Une de ces rencontres déterminantes dans une vie de celles qui modifient votre trajectoire, thème que j’ai abordé dans un ancien article : « J’ai raté ta vie« 

J’étais alors un scénariste tâtonnant, après avoir été poète hésitant, acteur incertain, auteur et metteur en scène de théâtre aléatoire. Je n’avais jusque là écrit qu’un scénario de long métrage et une série télé de six épisodes, adaptée du film « Viens chez moi, j’habite chez une copine », pour le producteur et ex-champion du monde de magie, Christian Fechner. Deux projets qui hélas étaient restés dans ces cartons mais qui m’ont permis plus tard de croiser Luc sur ma route.

lucphoto

Entretemps, je venais d’entrer dans la période la plus sombre de mon existence. Mon fils de quatre mois sortait de l’hôpital Trousseau de Paris, après un mois d’EEG, de perfusions, de pleurs et de cris, et avec l’étiquette « syndrome de West » comme bon de sortie. Les symptômes avaient commencé quelques semaines plus tôt, deux jours après avoir été vacciné par le « tétracoq » qui a depuis été retiré, dans les mêmes circonstances troublantes que des milliers d’autres bébés dans le monde. Mais c’est une autre histoire, et surtout un autre combat.

J’étais de surcroit sans travail, donc sans revenu, prêt à renoncer à toutes formes d’ambitions autres que de subvenir aux besoins de ma famille, pour soulager ma femme et m’occuper de mon fils. Peu après,  je commençais donc à rédiger des questions de jeux pour « Questions pour un champion », durant quelques mois. Je me souviens encore de l’une des questions les plus stupides que j’ai pu écrire, qui passa par inadvertance les censures de mes supérieurs et fut donc posée par Julien Lepers un soir sur le petit écran devant des millions de téléspectateurs perplexes verre en main et serviette sur les genoux devant leur toile cirée à l’heure de l’apéro :

Quel est le synonyme de Guili-guili ? (la réponse est en fin d’article *, et nous devions en vérifier la justesse par au moins trois différentes sources) Quelle jubilation de voir la mine consternée de l’animateur lorsqu’il lut sa fiche à voix haute. Et les réponses improbables des participants, après avoir écrasé leur « champignon » d’une main frénétique : Zic-Zic ! Glou-Glou ! J’en ris encore.

Bref, à l’époque, Luc était directeur artistique (ou producteur exécutif) de la série Maguy. Par l’intermédiaire de mon premier agent, il a lu un épisode de la série initiée par Fechner comme exemple de mon savoir-faire, puis m’a reçu chaleureusement, avec son enthousiasme, sa voix goguenarde et ses yeux aussi affutés que rieurs. Enfin, il m’a fait, et surtout donné confiance en moi, m’offrant la possibilité d’écrire une dizaine d’épisodes et d’apercevoir par la même le bout du tunnel. C’est grâce à lui également que, deux ou trois ans plus tard, j’ai signé mon premier téléfilm diffusé. Je lui dois donc mes premiers scripts diffusés.

Nous sommes devenus amis et nous ne nous sommes jamais perdus de vue, même s’il nous est arrivé de ne pas nous voir pendant quelques années avant de nous retrouver comme si c’était hier. C’est d’ailleurs le meilleur signe de l’amitié. Luc m’a agacé parfois, comme j’ai du le faire de mon côté, mais ne m’a jamais déçu. C’est un créatif, généreux, drôle, sensible, plus fragile qu’il ne le laisse paraitre, complexe, voire compliqué par moments comme les fortes personnalités le sont souvent d’ailleurs.

Récemment, j’ai découvert ses talents de photographe. Et c’est cette  facette de lui que je tiens aujourd’hui à mettre en exergue et vous présenter.  J’encourage vivement tous ceux qui pratiquent ou aiment la photographie à visiter son site  (cliquez sur l’image ci-dessous)

luc-delasnerie

D’autant qu’il y ajoute parfois de brèves histoires, que je vous conseille particulièrement, pleines d’humour, d’absurde ou de poésie du quotidien, dans la catégorie « photo-romans »

Capture d’écran 2016-01-02 à 21.10.07

 *réponse à la question : Gouzi-gouzi.

Publié par

Francis Palluau

Scénariste, auteur, réalisateur, professeur, consultant touriste sédentaire.

31 réflexions au sujet de “Quel est cet ami revenu”

  1. Les romans-photos sont tombés en désuétude, il me semble (cela existe-t-il toujours?). C’est dommage, car c’est un format narratif qu’il m’intéresserait de reprendre… Votre ami, lui, a fait des « photo-romans » que j’ai lus avec grand plaisir. Merci de nous les faire découvrir.

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  2. tu penses bien que j’ai tout de suite cliquer sur le site et j’ai beaucoup, vraiment, beaucoup aimé ces (ses) photos………il y a de l’amour dans ces images-là!
    merci pour tout *ça*, francis 🙂
    ah oui, j’ai regardé dernièrement ton film ‘bienvenue chez les rozes’ et je me suis re-ga-lée!!! et je n’ai pas été la seule, à la maison! comment ce film étonnant est passé inaperçu, là je me pose la question!

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    1. Merci Malyloup, il sera content quand il lira ton commentaire. Pour mon film, ton enthousiasme me fait plaisir ! Mais il n’est pas vraiment passé inaperçu puisqu’il a été vu par plus de 350000 spectateurs au cinéma et 9 millions de téléspectateurs sur TF1 lors de sa première diffusion…

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      1. ah voilà qui me rassure! mais par chez moi, la sortie ciné est passée aux oubliettes et ça m’étonne, vu le magnifique casting, notamment! mais je me demande surtout qui a osé attribuer les notes sur allociné et autres télérama……par contre les commentaires sur amazon correspondent mieux à la réalité de ce bon film 😉

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        1. Les critiques professionnels ne sont pas les spectateurs. Ils ne payent pas leur entrée, voient cinq à dix films par semaine et suivent la ligne éditorial du journal qui les emploient. Pour Télérama par exemple, tout ce qui ressort de la comédie est suspecté à priori de vulgarité et de facilité, de racolage. C’est aussi un film qui a divisé, de par sa nature même que je revendique, de comédie d’humour noir décalée. Certains l’ont adoré, d’autres détesté pour les mêmes raisons, et tant mieux. A vrai dire, c’est un peu ce que je cherchais. Je me souviens d’une anecdote que m’avait confié Francis Veber. Un film est un peu, toutes proportions gardées, comme un enfant. On le porte durant au moins un an (souvent beaucoup plus) avant qu’il ne voit le jour dans les salles. Alors imagine que ton bébé vienne de naitre, et autour de son berceau se penchent une dizaine de critiques qui l’évaluent : « hum, il n’a pas beaucoup de cheveux… » « oh, il est tout rouge et fripé » « il suce déjà son pouce, c’est puéril »…
          Quoi qu’il en soit, il faut toujours essayer de faire le film qu’on aurait aimé voir au cinéma sans trop se poser la question de savoir comment il sera reçu.

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  3. Un parcours chaotique et une reconnaissance des amis les vrais qui nous aident à améliorer notre parcours. Quoi de plus logique pour un homme que de reconnaître les talents de l’autre qui a su apprécier la valeur de son travail . J’adhère à votre démarche. Amitié.

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  4. Pas vu depuis des années et finalement un jour on se retrouve comme si s’était hier les derniers mots, le dernier regard échangés… c’est tellement ça ! L’Amitié m’avait fait écrire aussi… c’est savoureux ! Un cadeau précieux…
    J’me suis baladée sur ce blog… et voilà que je suis accueillie par l’histoire de Mr Plichon… un rentré contrarié qui se contrarie lui tout seul 🙃…

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  5. Des mots chaleureux comme j’aime en lire. Une amitié est une grâce qui me semble fort rare et d’autant plus belle lorsqu’elle nous touche. Lorsque je suis allée voir les photos de ton ami la première fois, j’ai convenu que c’était un fort bon photographe, de ceux qui font aimer les photos en couleurs, des photos pleine de vie et j’ai poussé jusqu’à lire ses textes courts et efficaces , je n’ai regretté qu’une chose, qu’on ne puisse s’abonner pour voir les mise à jour.
    Et puis merci pour ces petits bouts de ta vie.

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    1. Je suis d’accord avec toi sur l’abonnement et j’ajouterai sur l’absence de commentaires. Je lui en toucherai un mot ! Merci pour ton message et pour ta visite sur son site. Il l’a ouvert il y a peu de temps et ça doit lui faire plaisir de voir des visiteurs !

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      1. En même temps, lorsque je l’ai vu après ton post fb, je me suis dit que c’était le site d’un professionnel (je n’ai pas pensé blog, même si j’ai vu que c’était une publication wordpress). En fait, on peut laisser des commentaires (j’ai vu ça sous un texte) mais il faut donner un mot de passe de connexion, je n’ai pas trop compris puisque j’étais connectée wordpress au moment où j’ai vu ça.

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      2. Cependant on peut s’abonner au flux RSS (sur firefox), ce que j’avais fait (mais c’est plus pratique par les notifications du reader) (Au fait, je ne sais pas toi, mais je ne reçois plus aucune notification de nouvel article par courrier, il n’y a que le reader que me tient au courant).

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  6. « …. il nous est arrivé de ne pas nous voir pendant quelques années avant de nous retrouver comme si c’était hier… » Ce qui pour moi définit le mieux l’amitié. /
    Et puis merci pour cet autre bout de ta vie, raconté avec générosité, pour ne pas dire candeur. /
    Et puis enfin, le cœur me serre toujours quand je lis ces histoires de vaccination… je connais de près une jeune fille de trente ans dont le corps a été lourdement transformé par la polio… post-vaccination…/
    Bref, merci Francis pour tout ça.

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