POÉSIES :
Il va pour s’extraire de son lit
De son lit défait
Extraire une à une ses résolutions
Au creux de ses remous intimes
Il s’ébroue de sa nuit
En fronçant les sourcils
Dire que demain il reprendra
Du poil de la bête
Faut-il l’être
Il traite d’égal à égal
Avec le platane de la cour
Aspergé de pépiements ineptes
Avec les bruits qui courent
Sur la nature volage
Sur la nature dans tous ses états
Il va pour se lever
Pour lever le voile sur ses quatre vérités
Il est en forme
Ses heures favorites se passent en contemplation
Devant ce qui tombe à sa portée
Il comble le temps en passant sa langue
Sur sa dent creuse
Inlassablement
Ses heures favorites sont les heures dites
De mortel ennui
Qu’il apprivoise
Le plus souvent l’après midi
Inlassablement
Parvenu à ce point de satisfaction
Il s’immole en son fort intérieur
Car la réalité n’est pas du tout son genre
Il s’habitue lentement à lui-même
Jusqu’à l’écœurement
Il n’est rien que personne ne puisse être
Il est tout ce qu’il lui reste.
Parfois Il voudrait revenir sur ses pas
Le plus souvent
Pour réclamer sa part. Son du.
•••
Autour de nous
Les couleurs se dispersent et s’évaporent
Les bruits se pressent et nous percent
Les oreilles et les yeux
Dans l’atmosphère épaisse
Autour de nous
La raison fuit et nous éblouit
Passe en étoile filante
Et nous traverse et nous délaisse
Sans faire de vœux
Autour de nous
Tournent la peur et l’indifférence
Flux et reflux de l’ignorance
Quand l’amour gravite en apesanteur
Satellite brillant
Autour de nous
•••
Il a une mycose au prépuce et une calvitie précoce
Des crampes à la mâchoire et des miches à crampons
Il crache dans son mouchoir puis le met dans sa poche
Mais rien ne le soucie hormis ses ganglions
Trois ganglions récalcitrants
Trois lentilles sèches sur son échine
Qu’il tâte le matin
Qu’il tâte le soir
Juste avant de dîner
Qu’il tâte du bout d’un doigt préoccupé
Trois ganglions récalcitrants
Suffisent à le faire douter
Douter de lui-même et de ses proches
Bénin dit le docteur en médecine
Bénin? Est-il bénin? Sommes nous bénins?
•••
Il vient de traverser la ville
De pare en pare ou peu s’en faut
Des spirales de volatiles
Miment la mi Juillet là-haut
C’est par l’artère principale
Qu’il est allé jusqu’à la gare
Sur ses bras nus des lueurs sales
Des loques de soleil s’égarent
Sur le quai du départ l’écho
Des adieux dans le hall côtoie
L’éclat des couleurs des chapeaux
Tout s’imprègne tout braille ou boit
La lycéenne au blanc blouson
Qui donne sa langue à défaut
De ses reins brise l’horizon
Son buste est juste comme il faut
Éternelle ou presque en vis à vis
Une famille hindoue l’étonne
Les gosses et la mère assis
Le père est debout qui détonne
Avec un sac à chaque main
Plastiques emplis de victuailles
Ils reviendront le mois prochain
Tu te souviens où que tu ailles
Les fils d’Ariane métalliques
Hululent on hurle attention
Maman claque toute sa clique
Et le train crisse sans façon
Il se brasse aux voyageurs
Pêle-mêle à l’assaut ressac
Des valises récifs c’est l’heure
Ou jamais de vider son sac
Il met soudain mains dans les poches
Il attend il est au regret
Assez vu il rate le coche
L’express part comme un fait exprès
Il sourit siffle et s’en retourne
Un dédale d’escalators
Le prend en charge il s’en retourne
A présent le vent souffle au nord
La voie est libre sans encombre
Un effluve infect le happe
Il s’élance et renverse son ombre
D’où ses pensées s ‘échappent
•••
Vieillard grincheux
Liquidant son siècle sous lui
Prenant sa vessie pour les derniers feux
De sa raison d’être
Impitoyable impotent
Jusqu’à l’insupportable
Jusqu’à ce qu’on l’arrache de force
À la vie
Démiurge aux cent mille moignons
C’est le dernier des derniers
Descendants,
De qui ? Mais de qui donc ?
Il échafaude l’enceinte de son musée personnel
Il s’emmure méthodiquement
Il façonne les vestiges de sa civilisation privée
-Hors de lui jusqu’à la fermeture-
Prodige de fiction de science infuse
Il anticipe sur l’être qu’il fut
Et qu’il poursuit
•••
Une forte géorgienne
Aux joues sans fard aux lourdes hanches
Pleure, pleure du champagne
À Epernay
Ses paupières rougies
Pétillent de chagrin, de fatigue
Qui se souvient d’elle, hormis le soleil
Avant de disparaître
Loin, loin au large
D’un larmoyant lac
Et comme vu comme aperçu
D’un planétarium
•••
Problème de linguistique
Babines retroussées sur les jupes
Muse massive
Aux abords de laquelle son encre
Exulte et s’exalte
B.A. BA de la béatitude
Pontifiant comme un pape
Il l’encense ostensiblement
Prises de positions persuasives
Jusqu’à l’intime conviction
Il contemple ce qui lui semble
Obstinément
Là.
•••
Il parle des femmes
Plus souvent qu’il ne les pratique.
Volatilité féminine
Lancinant sels de sa soif
Il veut mettre ses mains partout
Quelques fois les mets
La plus douce était longiligne
La plus longiligne était délicieuse
Longiligne étreinte hors de son atteinte
Affolements incoercibles de leurs flancs
Crépitantes de phrasés dépecés vifs
Dans le sillage des draps où sèche son écume
Sans plus de succès qu’un grand manque
Il parle de plus belle
Il a le verbe haut
Rapports affectifs en chute libre
C’est un parfum et c’est un corps
Qui vont frileux et s’évaporent
Vers des azimuts qui s’étirent
Au plus profond il se recueille
Entre ses jambes il s’absente
C’est le plein jour et c’est la plainte
D’un dernier désir qui s’éreinte
En beauté en douce au matin
•••
Faut-il
Sous des monceaux d’organdi
Où dan un vase de l’époque Ming
Mince
Faut-il éternuer? Est-ce futile?
•••
La joie de vivre est sans gravité
Propos des plus ultras le nec
Trois beaux garçons donc six mâchoires
Sirotaient cette fin de siècle
D’un seul élan dans le crachoir.
APHORISMES :
Les maladies lentes et inéluctables
comme les sentiments humains.
C’est un artiste remarquable
Et en tant qu’homme, il est encore pire.
La beauté du geste n’a pas fini d’étreindre le malheur, avec un certain souci de l’esthétique.
Il se tire le portrait
au lieu de se brûler la cervelle
C’est toujours un esprit
Un faux pas
C’est toujours un pas de fait.
Un cagot plein d’oranges,
C’est toujours un cageot.
Le monde des esprits n’est pas celui qu’il pense.
Lien vers un poème récent : La belle aux émois dormants, Vie parallèle, Probabilité d’un probable athée, au creux de lui
J’aime beaucoup le dos courbé, colonne vertébrale et côtes comme si c’était réel et les jolies paroles bien en harmonie avec cet art insolite. Bonne continuation à votre fille et à vous de continuer à nous décrire ses oeuvres d’art.
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Merci Marie, votre curiosité comme votre bienveillance sont bien agréables !
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j’adore le bustier. Quant à la prose,j’y reviendrai plus tard ( j’ai mes heures de lecture )
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Merci pour elle, c’est l’une de ses premières œuvres, prenez votre temps. Rien ne presse, et la lecture demande d’avoir l’esprit disponible…
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Ah oui ! C’est bon d’entendre ! On le lit encore autrement, on n’en finit pas de lire autrement. Entendre une voix, une autre voie en nous envoie des signes intimes d’une recomposition du voir mieux dans l’envol des mots sonorisés brassant l’espace. L’écrit prend chair de la jeune lycéenne de famille hindoue de train en partance dans le brouhaha estival. L’ombre dans l’ombre de l’écoute se renverse même mieux sans les yeux, tout ouïe, jusqu’à ce regret à la fin, ce petit clic qui arrête la voix, le souffle et l’image. Encore, Francis, y a rien d’autre à dire.
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Merci ‘vy, il y en aura d’autres… ne serait ce que pour lire ce genre de commentaires !
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J’espère que vous poursuivrez!
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Promis !
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Vous voix là!
Incomparable plaisir d’écouter le poète.
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Merci Henriette, ça faisait un moment que j’y songeais, et ça m’encourage.
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la poésie lue par son auteur contient la magie qui l’a inspiré……et moi j’aime bcp cette magie-là……..merci de l’avoir lue, francis
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Merci infiniment Malyloup, et je rend grâce à ‘vy de m’y avoir incité en m’expliquant comment y parvenir sur le blog !
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‘vy est toujours là pour nous tirer d’affaire et nous encourager….c’est *précieux*! alors merci à elle aussi pour le son de ta poésie 🙂
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Incroyable, je m’aperçois que je n’ai pas encore laissé de commentaire, ici. Peut-être parce qu’il faut du temps pour se poser sur des poèmes. Chaque fois que je les lis, ils prennent une signification différente. La lecture se fait-elle en creux et en bosse dans la subtilité d’une humeur qui s’accorde ou se désaccorde avec l’autre subtilité que dégage l’écrit ? C’est merveilleux la poésie. Et si on les entendait par la voix de leur auteur, ce serait encore différent, je pense.
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Merci ‘vy, c’est ce que je vais faire bientôt, en lire quelques uns. Je voulais le faire depuis longtemps et tu m’as apporté la solution dernièrement !
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Il y a du Prévert dans ces poèmes.
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Je n’y avais jamais pensé, mais une référence comme celle-ci ne se refuse pas…
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Merci pour cette inspiration matinale. Beau recueil de mouvements poétiques. Et plastiques.
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J’apprécie, pour elle et moi ! J’en ai écris un ou deux lorsque j’avais l’âge de ma fille… d’autres plus récemment.
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J’ai trouvé l’entrée des « délestages ». j’aime beaucoup le poème de la géorgienne qui pleure du champagne à Épernay. Peut-être parce que je visualise et que je compatis, et la formule est un peu moqueuse. Et bravo aussi à votre fille pour ses œuvres qui ont l’air d’objets (à quelles fins utiles ?) autant que d’œuvres.
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Merci pour vos encouragements, j’en ferais part également à ma fille ! Aucune fin utile, juste la beauté du geste et l’expression de sa sensibilité.
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