Déclaration des droits de l’ombre

Les vacances de printemps et le retour du beau temps incitent à se mettre à l’ombre. A jouer avec elle. A profiter de ces silhouettes, ces découpages sombres et languides du réel, de les voir se prélasser aux pieds de leurs maitres debout ou assis à la terrasse d’un café, sur un banc, ou les suivre fidèlement sans se lasser.

Les ombres pourraient nous donner des leçons de discrétion, d’humilité, et d’une forme de dévotion. Elles ne protestent jamais, même quand on les ignore superbement, ou pire encore, lorsque la nuit vient, ou qu’un nuage passe.

OmbragéJe tenais donc à leur rendre hommage et justice. Nous ne leur prêtons pas assez d’attention. Imaginons un instant un monde sans ombre… Après tout, sans elles, sans leur contraste, nous douterions trop de la réalité de notre existence. Elle nous le soulignent avec délicatesse, à chaque pas sous le soleil, sans illusion ni insister lourdement, mais avec persévérance. Platon a très bien cerné leur importance dans son mythe de la Caverne.

Elles ne revendiquent aucun droit et assument leurs devoirs : nous protéger parfois de l’insolation, nous rafraichir, nous divertir à la chinoise, recouvrir la moindre allée d’une dentelle mouvante. Plus précieuse encore, elles nous indiquent l’heure avec une ponctualité sidérante, nous montrent littéralement le temps s’écouler sous nos yeux en fonction de leur longueur, de leur orientation et de leur position pour peu que nous apprenions à les lire.

Rien n’est moins ombrageux qu’une ombre, pourquoi faut-il donc que cet adjectif, péjoratif qui plus est, leur soit associé ? Rien de moins susceptible qu’une ombre. Elles se trainent à nos pieds, se laissent marcher dessus, s’effarouchent dès que le ciel s’obscurcit. Rien de triste non plus, tout juste mélancolique et pourtant, personne n’a jamais écrit ou décrit une ombre de joie…

Ne soyons pas non plus angélique en ce qui les concerne : Il y a des ombres menaçantes. Rares et fugitives cependant. Mais ces ombres la sont artificielles. Elles surgissent uniquement la nuit, à la faveur d’un phare de voiture, d’un réverbère, d’une enseigne clignotante. Créées par l’homme, elles photocopient en quelque sorte son agressivité.

L’ombre naturelle n’a aucune malignité. Elle pourrait même nous donner des leçons, nous montrer la voie. Le racisme leur est étranger, puisqu’elles sont toutes sans couleur. Et si leur densité peut varier, elles le font simultanément, en harmonie. De même, la violence et le fanatisme leur sont inconnus. Lorsqu’elles s’assemblent, les ombres ne se disputent jamais, encore moins s’affrontent. Elles se fondent les unes aux autres pour ne faire plus qu’une.

La musique de ce diaporama a été composée par Clément Ducol, formidable compositeur et arrangeur. Créatif, enthousiaste, ouvert, il œuvre dans des univers très variés avec toujours autant d’originalité.

Voici son site officiel : http://clementducol.com/crbst_54.html

copyright

Publié par

Francis Palluau

Scénariste, auteur, réalisateur, professeur, consultant touriste sédentaire.

12 réflexions au sujet de “Déclaration des droits de l’ombre”

  1. Très joli diaporama qui s’accorde bien avec la mélancolie musicale.
    Cependant, je ne suis pas tout à fait d’accord à propos de l’innocence des ombres, de leur dévotion. Il y a une semaine, je peignais un tableau, il en découla une histoire que je commençais à scribouiller. Imaginez une ombre de femme qui refuse de se vêtir. Et bien ça fait désordre et même ça peut mener très loin.

    Aimé par 1 personne

            1. Mais si. Vous en êtes plus que capable, c’est évident. Il suffit de commencer, voilà tout. Je vous donne juste un début : Une femme assise sur un lit, son amant prend sa douche dans la salle de bain attenante d’un hôtel. Elle remet son soutien-gorge dans cette chambre éclairée uniquement par une lampe de chevet qui projette son ombre sur le sol. Elle s’aperçoit alors que cette ombre ne suit pas son geste pudique de se couvrir les seins. Elle a un instant de doute, alors et enfile ses bas. Même chose. L’ombre fait les même mouvements mais sans les bas…

              J’aime

              1. J’ai l’histoire déjà. Une femme-muse-modèle un peu habillée regarde son amant en train de peindre. Elle s’aperçoit qu’il regarde au-delà d’elle. Il la déplace sans la regarder. Elle finit par s’apercevoir que c’est l’ombre qui fascine l’homme…

                Aimé par 1 personne

  2. Si vous êtes un adepte de l’ombre, il existe un livre de J.B Pontalis qui s’intitule « Traversée des ombres » et qui est remarquable d’intelligence.
    J’aime beaucoup le diaporama.

    J’aime

Laisser un commentaire