Nouvelle aventure tout à fait ordinaire d’un homme tout à fait banal.
Je pense donc je suis. Ça, c’est de la punchline et de la bonne. Seulement moi, même si je m’efforce de penser, je ne suis pas Descartes et je ne sais toujours pas qui je suis vraiment. Lequel des deux suis je ou pense, hein ? ajoute Sizif en pensée, donc à l’autre lui-même, le « Je » qui suis mais qui pense aussi, comme un clone, une réplique qui réplique. Car celui qui pense suit rarement celui qui est, pendant que celui-ci hait parfois celui là, qui le pense en train d’être. Vous suivez ? Tant mieux, vous m’impressionnez parce que moi…
Dialoguer avec soi-même est l’activité quotidienne, thème récurrent de ces chroniques, la plus incessante comme la plus paradoxale. Car elle se fait sans même notre accord, comme les battements du cœur ou la respiration. Essayez donc un instant de ne plus vous parler, de ne plus échanger entre vous et vous. A la rigueur durant le sommeil, encore que… il nous arrive de nous rêver en train de rêver ou d’en être conscient. Les seuls moments ou nous ne faisons réellement plus qu’un sont des cas extrêmes : danger immédiat, stupéfaction, jouissance, douleurs subites. Alors l’instinct prend le dessus sur ce bavardage intérieur. L’animal prend le pas sur la conscience, les sensations sur l’introspection. Plus le temps de réfléchir, il faut agir ou ressentir. Un moustique a-t-il des scrupules quand il vous suce le sang ou vous torture les tympans en nocturne ?
Oui, Sizif a le soliloque cacophonique.
D’où vient elle, cette voix mielleuse ou acide qui nous interpelle, qui nous tance en silence, nous sermonne ou nous absous, fustige notre fatuité ou flatte notre égo sans vergogne ? D’où sort ce cricket qui sautille sous le chapeau pour nous seriner ce qui est bien ou mal, vrai ou faux, stupide ou habile ? Cette conscience élastique qui s’étire ou se contracte en fonction de notre humeur, le degré de nos désirs comme de nos intérêts ? Ce double intime, secret, tapis dans les circonvolutions inconcevables de nos doutes, cette présence mi sirène mi méduse, nous retiens ou nous tente devant un décolleté au bord de l’asphyxie, une chute de reins à prendre sans frein, nous fait miroiter un chèque en blanc pour du travail au noir, ou une gloire aussi indue que facile…
Oui, Sizif opine sans peine ni panne.
Il le confesse sans frétiller : Lui-même s’est déjà surpris à mentir, à flatter, à détourner les yeux devant l’humiliation, tourner les talons face à la détresse. Mais Sizif bis le poursuit… Cette girouette interne ne se prive pas de lui donner le tournis, de lui reprocher sa lâcheté, sa faiblesse, sa mesquinerie, jusqu’à sa vénalité et sa concupiscence. Oui, Sizif a également déjà sourit en songeant à mordre, serré cette main en rêvant de serrer cette gorge. A l’inverse, il a aussi défendu ses convictions en sachant qu’il avait tout à y perdre, ou qu’il en changerait demain, ou qu’elles n’étaient pas si convaincantes. Il a même balancé ses quatre vérités à un demi de mêlée de cent kilos sans une once de graisse, un poil de patience, soit une tonne d’incompréhension répartie sur près de deux mètres en puissance et à la verticale. Il a aussi offert son aide et son temps en se répétant que cela ne servirait à rien.
Et même quand il pousse son rocher jusqu’en haut de sa colline dans son parc de loisir mythologique, Sizif s’encourage à voix muette, botte le cul de son ombre mentale.
- Pourquoi je fais ça ? C’est débile. J’en peux plus, j’en ai jusque là de ce job minable, de cette toge ridicule made in Hon Kong qui me fait des mollets de sauterelles poilues !
- Tu es un mythe, Sizif.
- Je mime un mythe, nuance. Je m’épelle même pas pareil. Moi, je suis juste un type miteux. Je pousse ce rocher de mes deux parce que je sais rien faire d’autre, c’est tout et c’est rien.
- Tu es celui qui leur ressemble, qui les soulage de leur quotidien. Tu le pousses parce que tu es fait pour ça. Personne ne le pousse mieux que toi.
- Arrête, je le pousse même pas, je fais semblant de le pousser, pour les spectateurs. C’est truqué, je te rappelle. C’est électrique. On est à Olympia Land.
- Alors de quoi tu te plains ? Tu fais semblant, t’es payé et t’es applaudi. Tu crois que le vrai Sisyphe était payé, lui ? Regarde ce gosse comme il te sourit…
- C’est quand l’heure de la pause ?
- Encore une montée et c’est bon.
Il est ainsi de suite, Sizif.
« Il faut imaginer Sisyphe heureux » Albert Camus
Et Sizif, lui, s’interroge souvent sur cette autre punchline : « Suis je heureux ? Faut il chercher à être heureux ? » « Arrête de penser, pousse plutôt, tu les rend heureux, c’est déjà ça. » lui répond son homologue certifié conforme.
Vous pouvez également retrouver Sizif sur sa page Facebook, même si vous n’avez pas de compte, pour en découvrir plus sur lui, des photos, des vidéos, des GIFS, échanger avec lui, commenter, partager, liker… en cliquant sur le lien ci-dessous.
Sizif semble avoir des problèmes avec la voix de sa conscience … aurait-il des choses à se reprocher ? Pourtant son existence est bien innocente, le pauvre, qui pousse son rocher sans raison et sans but …
J’aimeAimé par 1 personne
Qui n’a vraiment rien à se reprocher ou en a du moins le sentiment ? Maintenant, quand il pousse son rocher, il a ses raisons et son but sans aucun doute. Nous avons bien nos propres rochers à pousser… Merci de votre message !
J’aimeAimé par 2 personnes
Décidément, Sizif a l’esprit très philosophique 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
J’sais vraiment pô c’qui FAUT penser d’tout ça…
Mais, COUCOU Sizif!
J’aimeAimé par 1 personne
Ça nous fait plaisir de te voir passer et nous faire signe, à Sizif et moi !
J’aimeJ’aime
Je suis loin de vous oublier!
J’aimeAimé par 1 personne
« le soliloque cacophonique », ça fait mal à la tête et nombreux sont ceux qui en souffrent. D’ailleurs, ils se réunissent pour en parler, lors de ces thérapies de groupe qu’ils appellent discussions. Quel boucan, tous ces gens qui pensent en même temps!
J’aimeAimé par 1 personne
Quand un groupe pense, on ne s’entend plus parler. Merci pour cette pensée, Bodo !
J’aimeAimé par 1 personne
Moi c’est Sizife, j’ai trouvé mon alter ego. Merci pour cette pinte de bon sang comme on dit chez moi !!!
J’aimeAimé par 1 personne
Je me disais bien aussi que Sizif devait avoir une cousine de Belgique !
J’aimeJ’aime
C’est peut être la seule personne que je trouve trop exigeante à raison 😉
J’aimeJ’aime
Vous parlez de Sizif, de son double ou de moi ? Des trois ?! Le pire, c’est que vous n’avez pas tort.
J’aimeAimé par 1 personne
Et de moi 😀
J’aimeJ’aime
Bien sur ! Il apprendre à se pardonner parfois.
J’aimeAimé par 2 personnes
– Quel bonheur de retrouver Sizif!
– Je dirais même plus: quel bonheur!
– Ce type a un humour légendaire, ajoute mon troisième.
J’aimeAimé par 1 personne
‘l’en manque une !
Un peu comme la bonne fée qui se réserve au cas où une Carabosse passerait dans le coin.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Henriette, et la quatrième alors ? Un peu facile… me souffle mon alter ego et Sizif.
J’aimeJ’aime
La quatrième ne démarre pas au quart de tour… c’est une paresseuse un peu lente! Pas le type vif de Sizif!
J’aimeAimé par 1 personne
Mais est-ce que ce n’est pas en remontant son caillou à longueur de journée que Sizif peut entrer en état de contemplation ? Il ne penserait et donc n’essuierait qu’entre les coups ! Et qu’est-ce qui fatigue alors le plus, l’état de pensée quand le caillou descend la pente ou l’état de non-pensée quand il la remonte ? Faut voir… Il tranche donc ça nuit, soupire le lampadaire !
J’aimeAimé par 1 personne
Penser, ne pas penser, penser, ne pas penser, vous allez lui faire attraper un rhume de cerveau à notre Sizif.
J’aimeAimé par 1 personne
Vous venez d’inventer la méthode de la pensée clignotante, un coup je pense, un coup je me dépense. Ça ne m’étonne pas de vous Anne ! Vous feriez briller un lampadaire sans ampoule.
J’aimeAimé par 1 personne
Ce que j’en dis, ce que j’ai envie d’en dire, ce que j’en pense, bref, de tout ça, ce qui me vient de plus fort, ce qui résonne dans ma tête tandis que je te lis (et que mes zygomatiques s’exercent), bref ce qui me vient c’est « bon dieu que j’aime la lucidité »… Et Charlotte qui me donne un coup de coude (un peu trop fort, mais je lui pardonne tout à celle-là) pour que j’ajoute que le jeu, tant qu’on peut se le jouer en pas pire forme physique et mentale, en vaut tout de même un peu la chandelle…
P.-S. J’avais une affiche psychédélique dans ma chambre à l’adolescence où il était écrit ces mots de Descartes, avec son nom dessous… Je me souviens plus pourquoi j’ai voulu ça, mais elle y était… Ça me fait sourire quand j’y pense.
Merci pour un autre beau moment avec Sizif, cher Francis.
J’aimeAimé par 2 personnes
Je m’épanche donc je vous lis, toutes deux, alors je ne pense plus et je souris. Merci Caroline (and your best friend… !)
J’aimeAimé par 1 personne
J’entends très souvent cette petite voix intérieure qui est mon « garde folle »😉😉…mais je ne me parle pas réellement donc pas encore Sizifette;)… Belle soirée
J’aimeJ’aime
Garde folle toujours ? Jamais l’inverse ? Hum, hum… Merci lessen-ciel pour ce témoignage !
J’aimeAimé par 1 personne
Oups ! heureusement que Sizif est opiniâtre, costaud et tout et tout ! Je l’avais abandonné poussant son rocher, sans doute parce que le mien ne voulait pas remonter la pente.
Je le retrouve avec plaisir 😀
J’aimeJ’aime
Merci Martine de ce retour, Sizif vous attendait au bas de sa colline.
J’aimeAimé par 1 personne
L’art du soliloque… ce petit entretien privé rien qu’à nous 😉
Et j’entends la p’tite voix m’interroger 🙂 Moi qui disais que c’était la « vieillitude » qui me faisait me causer toute seule…
Quant à Sisyphe… le vrai : «Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose» 😉
J’aimeJ’aime
Merci Myo pour cette citation et pour cette visite !
J’aimeJ’aime
Rien de plus normal que de se parler à soi-même. Je le fais et tout le monde sûrement et ça a bien été confirmé que c’est tout à fait normal. Pas d’inquiétude, Sizif est aussi normal que nous dans ce domaine…
J’aimeJ’aime
Vous nous réconfortez, même si la normalité est un concept qui me parait de plus en plus étrange…
J’aimeAimé par 1 personne
Entièrement d’accord, bizarre, bizarre..vous avez dit bizarre ?? Le monde est drôle alors sans doute sommes nous bizarre ainsi que Sizif… Nous sommes tous une fiction à part entière ainsi que ? SIZIF !
J’aimeJ’aime
Peut-être, c’est une piste à suivre… des personnages de fiction, en quête d’auteurs comme dans la pièce de Pirandello.
J’aimeAimé par 1 personne
Vous avez encore du cerveau, vous là, oui oui vous, faites pas l’innocent ? Toi ou moi ou lui ou eux, ça y est je crois que les plombs ont sauté, branchée et noyée à la fois, c’était couru. « une aventure tout à fait ordinaire, qu’il disait » Hé, tu m’prends pour un Pinocchio ? J’ai découvert hier, que le criquet en question, c’était possiblement un bébé crapaud. J’essaie de reconnecter deux synapses entre elle. Sizif, il nous aura tout fait. Tout doux, est-ce que je craque sur un décolleté, moi ? Est-ce que j’opine sans peine ni panne ? Que nenni ! Tel un héros des temps futur, j’unifie mes trois centres « physique « « émotionnel » « psychique » « fulguropoing »… alors se lève l’étendard « le soliloque ne gagnera pas ! ». Bon, quand elle aura fini de parler celle-là… Moi, je dis, c’est du grand biographe, ça… je ne sais plus à qui je parle mais on fera le ménage plus tard. Merci, Francis, merci Sizif, merci vos autres et vos hôtes. « celui qui pense suit rarement celui qui est, pendant que celui-ci hait parfois celui-là, qui le pense en train d’être »… je n’ai pas fini de suivre, tu m’expressionnes, et j’en veux encore.
J’aimeAimé par 3 personnes
Et puis j’adore ta lampe à deux têtes parlantes, tu l’auras compris… si si, l’un de vous l’aura compris.
J’aimeJ’aime
J’ai pris en photo cet objet durant les journées portes ouvertes des ateliers d’artiste de Belleville.
J’aimeJ’aime
Tu l’as bien utilisée. J’aime beaucoup ce que tu as mis dans les bulles.
J’aimeAimé par 1 personne
Moi aussi : aux prochaines élections, je vote pour !
J’aimeJ’aime
Tiens, c ‘est une idée. Mettre un bulletin Sizif dans l’enveloppe. Ce sera bien plus sain que n’importe lequel de tous ces clowns tristes aux blabla mensongers.
J’aimeJ’aime
J’ai cru que tu t’adressais à moi…
J’aimeJ’aime
Tu n’en manques pas une pour me faire rire, Goran. M’enfin, tu n’as pas le monopole du cerveau en déroute… tu as dit que tu ne te fâchais jamais, j’en profite.
J’aimeAimé par 1 personne
🙂
J’aimeJ’aime
Ah ta bienveillance et tes encouragements sont une source de motivation ! Merci ‘vy.
J’aimeJ’aime
Te lire est un plaisir et aussi une motivation.
J’aimeJ’aime
Sans compter que les commentaires de ‘vy associés aux réflexions de Sizif, un must !
J’aimeAimé par 1 personne
POST intéressant, il résonne en moi pour deux raisons au moins, un : une discipline que j’ai découvert sur le tard « la maïeutique » ou on m’a demandé qui te fait avancer dans ta vie, ta tête ou ton coeur, chez moi la réponse était archi connue…
fier en levant le doigt « moi madame, moi madame – la tête… »
et ton coeur sais tu l’écouter ? « euh non madame…
et la première marche d’un grand escalier venait d’être franchi.
deuxiement : non heureusement qu’il y a des gens qui savent vivre en se deconnectant de leur tête/mental, la « méditation » et une façon, la plus simple consiste a respirer trés calmement en se concentrant uniquement sur cette dernière, l’entrainement se transforme en automatisme
pour finir mon prof de MTC nous expliquait que le cerveau devrait principalement servir a nos besoins vitaux… et non occupé nos cerveaux a des choses si peu importantes que finalement c’est ces choses si peu importantes qui deviennent des raisons de vivre…
J’aimeAimé par 2 personnes
Merci Mixate, pour ce message plein d’humour et de sagesse ! La méditation me parait en effet une option, une pause bienvenue, même si personnellement je n’y parviens pas tout à fait. En revanche, la contemplation me conduit souvent à mettre cette voix en sourdine.
J’aimeAimé par 2 personnes
La méditation ne s’improvise pas, c’est un long travail sur soi, par le souffle et par la concentration, donnez aux choses leur juste place. Ce n’est pas seulement une pause, c’est un état d’accueil.
J’aimeJ’aime
« donner » c’est mieux.
J’aimeJ’aime
Je crois qu’il faut dépasser l’automatisme, être conscient et pleinement ouvert.
J’aimeAimé par 2 personnes